NOTES

 

Cet élément de la légende d'Homère prend différentes formes suivant les auteurs. Plutarque la rapporte ainsi, avec plus de prudence que Hugo: « De Crète, Lycurgue fit voile pour l'Asie. Il voulait, dit-on, comparer les habitudes simples et austères des Crétois avec la vie voluptueuse et délicate des Ioniens, comme un médecin compare à des corps bien portants des corps languissants et malades, et apprécier la différence des mœurs et des gouvernements. Ce fut là vraisemblablement qu'il connut, pour la première fois, les poèmes d'Homère, qui étaient conservés par les descendants de Créophyle. [Note: Homère, d'après les traditions les plus accréditées, n'était pas de beaucoup antérieur à Lycurgue. Créophyle était, dit-on, un ami d'Homère.] Il reconnut que la morale et la politique, dont les enseignements y sont répandus, en faisaient le mérite, non moins que d'agréables fictions et des contes : aussi s'empressa-t-il de les copier, et de les réunir en corps d'ouvrage, pour les porter en Grèce. On y avait déjà quelque obscure notion de ces épopées, et quelques personnes en possédaient des fragments, qui se répandaient de côté et d'autre; mais Lycurgue fut le premier qui les fit connaître à tout le monde. (Vie des hommes illustres, Lycurgue, trad. A. Pierron, Charpentier, 1853, t. 1, p. 95.) Madame Dacier y met moins de prudence dans L'Iliade d'Homère traduite en françois avec des remarques (édition d'Amsterdam, 1712, p. LXIXLXX) et orthographie aussi Créophile. Dans la traduction de Plutarque par Amyot, Créophile est nommé Créophysus.

La source proprement dite de Hugo est donc la traduction de l'Iliade par Bitaubé -ou un autre texte qui aurait décalqué ces lignes : « Les poëmes d'Homère étant épars çà et là par morceaux, il fallait une main habile pour les réunir; et l'on dit qu'avant Pisistrate, et la révision judicieuse qu'en fit Aristarque avec d'autres critiques, Lycurgue, de retour à Sparte, fit à sa patrie ce beau présent, qu'il jugea propre à enflammer la valeur de ses concitoyens. [Note:] Voyez Plutarque, Vie de Lycurgue. Il y est dit que ce législateur trouva le recueil complet des poésies d'Homère chez les descendans de Cléophile, qui avait reçu dans sa maison ce poète. Si ce recit était conforme à la vérité, il offrirait une preuve sensible de l'influence du gouvernement sur les lettres. Les poésies d'Homère formèrent à Sparte plus de guerriers qu'elles n'y firent naître de poètes. » (Oeuvres d'Homère avec des remarques.. par P.J. Bitaubé, Paris, Tenré, 1822, tome I, p. 8; l'ouvrage figure, dans une autre édition, à Hauteville House.)